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Les erreurs critiques : comment les prévoir – SafeStart

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Les erreurs critiques : comment les prévoir

Larry Wilson

Par Larry Wilson. Traduit de l’anglais. La version originale de cet
article est parue dans OH & S Magazine en septembre 2013.

 

En fait, personne n’a besoin d’être devin lorsqu’il s’agit de prédire la frustration; il en va de même pour la précipitation.

L’idée même de prévoir des erreurs, surtout les nôtres, est un concept intéressant parce que, bien évidemment, si nous savions tous à l’avance que nous commettrons une erreur à 15h15 chaque après-midi, nous déduirions rapidement aussi, que ce moment de la journée n’est certainement pas le meilleur.

Mais, malheureusement, l’erreur humaine est impossible à prévoir avec une telle précision. Toutefois, posons-nous la question différemment : prenons l’exemple suivant : Vous gagnerez 1 000 $ si vous arrivez à prédire votre prochaine erreur; ou mieux encore, en termes de sécurité, vous gagnerez 1 000 $ si vous arrivez à prédire votre prochaine erreur critique (voir tableau #1, ci-dessous) ou la combinaison de vos erreurs critiques, soit : les yeux et la pensée non fi xés sur la tâche menant à un problème d’équilibre, d’adhérence ou de prise, ou encore l’esprit ailleurs qu’à la tâche menant à être placé dans la ligne de tir.

 

Tableau #1

 

Alors, quelle réponse choisiriez-vous? Si vous êtes comme la plupart des gens, vous ne vous êtes jamais arrêté à penser à quel moment vous commettrez une erreur, malgré le fait que très peu de gens vivent toute une journée, encore moins toute une semaine, sans commettre au moins une (ou deux ou trois) erreur critique.

Nous sommes tous en mesure d’identifi er le « potentiel » d’une erreur, telle oublier quelque chose – plus particulièrement si cela s’est déjà produit – comme oublier son porte-monnaie, son passeport, les clés de l’auto. Mais qu’en est-il des erreurs critiques menant à des blessures? Quand serez-vous le plus vulnérable à faire l’une de ces erreurs?

Eh bien, toutes les personnes qui ont déjà reçu de la formation sur les facteurs humains, sur la conscientisation des situations ou des techniques de réduction des erreurs critiques, deviennent sensibilisées à ces éléments. Elles s’arrêtent donc pour réaliser à quel moment et où elles pourraient se précipiter, se sentir frustrées, fatiguées ou dans un état d’excès de confi ance; parce que, c’est très souvent à partir de l’un de ces états qu’une erreur critique est commise.

À titre d’exemple, la plupart des gens peuvent prédire à quel moment ils seront coincés (précipitation) et ce, pour quelques jours à l’avance. Et, nous pouvons également prédire à quel moment nous nous sentirons plus fatigués, généralement tôt le matin, en fi n d’après-midi, ou tard en soirée.

Et, en dernier lieu, nous pouvons probablement prédire aussi quand nous agirons avec un excès de confi ance – plus particulièrement dans des situations où l’énergie dangereuse est présente – par exemple, en conduisant de la maison au travail et vice versa.

Donc, prédire ou prévoir nos erreurs est possible! Il faut réfl échir à la journée devant soi, ce que nous ferons et tenir compte la présence des quatre états.

Néanmoins, nous devons nous arrêter davantage à tout ceci; par exemple, jetons un coup d’oeil à la frustration. Qui, dans votre environnement, vous rend frustré : personne, à peu près tout le monde, quelques personnes seulement – à l’occasion?

Qu’est-ce qui vous rend frustré? À peu près tout, à peu près rien, ou bien quelques petites choses – à l’occasion?

Alors, si vous avez déjà identifi é qui et quoi vous rend frustré, vous pourriez « auto-déclencher » ou réfl échir à ce risque à l’avance; ce qui, par conséquent, pourra augmenter votre conscientisation des situations –si elles surviennent – et cette conscientisation vous permettra de réduire le risque de faire une erreur critique ou une combinaison d’erreurs critiques.

 

La frustration et la précipitation sont prévisibles

Regardons ensemble ce qui suit : un père tente de convaincre son fi ls adolescent de compléter ses travaux scolaires; le garçon n’est pas très porté sur les mathématiques… Par conséquent, et jusqu’à présent, le père est toujours présent pour aider son fi ls (les notes à l’école laissant à désirer) dans l’exécution des travaux. Le père souligne à son fi ls qu’il doit mettre encore plus d’efforts dans cette matière qui ne lui vient pas « naturellement ». Le fi ls, toutefois, ne voit pas les choses de cette façon et réplique : « Je ne maîtriserai vraiment jamais les maths, alors pourquoi m’investir »?

Cet échange se répétait depuis des semaines. Père et fi ls étaient sur le point de perdre patience. Le père savait qu’il devait continuer à soutenir son fi ls, mais tous ces épisodes devenaient très frustrants. Le fi ls, de son côté, était habile (très habile même) pour éviter devoir faire ses travaux de mathématiques. Un jour et à court d’arguments, le père lança un ultimatum à son fi ls : tant et aussi longtemps que ces travaux de mathématiques ne seraient pas complétés, il ne pourrait aller jouer avec ses copains ou pratiquer avec son équipe. La journée suivante était un samedi, début du week-end. Le fi ls se préparait à rejoindre ses amis et à se rendre à une pratique avec son équipe. Son père lui dit alors : « tu ne peux rejoindre ton équipe, tant que tous tes travaux de mathématiques ne seront pas complétés ».

Le fi ls répliqua : « Mais nous sommes samedi, c’est jour de pratique ».

– « Je m’en fous » lui répondit son père. Tu DOIS d’abord fi nir tes travaux ».

– « Tu rigoles, n’est-ce pas ?!» de rétorquer le fi ls.

– « Non, pas du tout » répondit le père avec entêtement. Tes travaux scolaires viennent en premier lieu; ils doivent toujours être la priorité ».

– « D’accord, d’accord, je les ferai » dit le fi ls, sans toutefois montrer aucune indication en ce sens.

– « Je suis très sérieux, reprit le père. Tu ne peux sortir, tant et aussi longtemps que tes travaux ne seront pas complétés ».

– « Oui, je comprends » s’écria le fi ls. Maintenant, tais-toi! Et, il s’avança pour sortir de la pièce.

À ce dernier commentaire, le père agrippa son fi ls par l’épaule. Le fi ls tenta de se dégager; mais, parce que le père tenait fermement l’épaule de son fi ls, il conserva sa prise et, c’est l’épaule du fi ls qui se glissa de la cavité articulaire. Par conséquent, pendant un long mois, le fi ls fut incapable ou presque, de faire quoi que ce soit, avec sa main droite. La coiffe des rotateurs était légèrement déchirée.

Le père aurait-il pu « gérer » son niveau de frustration et prévenir du même coup cette blessure?

Même si le fait de se faire dire « tais-toi » était tout à fait imprévu, la frustration en escalade, elle, ne l’était pas. Et, la coiffe des rotateurs déchirée n’a certainement pas aidé le fi ls, à mieux comprendre les problèmes d’algèbre ou de géométrie. Finalement, bien peu de bonnes choses résultent de situations où règne la frustration…

Mais, soyons réalistes… Quels parents n’ont pas de diffi culté de parcours avec leurs adolescents? Ceci est TRÈS prévisible! Tout comme les employés responsables de l’entretien peuvent être frustrés de ceux attachés à la production et vice-versa! Et on pourrait rallonger cette liste sans fin!!! En fait, personne n’a besoin d’être devin lorsqu’il s’agit de prédire la frustration; il en va de même pour la précipitation : des employés confrontés aux échéances ou à des quotas de production vont invariablement se précipiter – et c’est particulièrement vrai, lorsque l’échéance est tout près ou qu’un retard s’est créé au service de production.

La fatigue est assurément l’un des états les plus faciles à prédire. Comme personne, nous nous connaissons suffi samment bien pour reconnaître la fatigue lorsqu’elle apparaît. Et, pour les personnes travaillant des quarts de travail, il est relativement facile de prédire à quel moment elles se sentiront fatiguées (ou très fatiguées) lors du premier quart de travail du nouvel horaire.

Alors, même si toutes les fautes sont imprévues, les prévoir peut se faire assez bien – si l’on s’arrête à réfl échir à quand et où nous serons le plus susceptibles d’être en état de précipitation, de frustration, fatigué ou dans un état d’excès de confi ance. Et malgré tout, oui, nous ne savons pas toujours… Les événements changent – tels des bouchons de circulation causés par un accident de la route – mais plusieurs événements restent les mêmes.

Il est plutôt rare qu’une personne puisse, dans le cadre d’une journée – et encore moins d’une semaine – ne pas commettre au moins une (ou deux ou trois) erreur critique.

Et, si tout à coup les événements changent de leur état habituel, nous sommes à même de reconnaître ce changement – puisque ce n’est pas « comme d’habitude ». Ce changement nous permet d’y réfl échir naturellement – est-ce un changement positif ou négatif? – est-ce que ce changement nous fera nous précipiter, créera de la frustration ou une fatigue qui nous inquiétera? Ce changement pourra donc nous aider à « auto-déclencher » plus facilement et plus rapidement, une réfl exion à propos de ces états.

L’excès de confi ance, quant à lui, demeure le plus diffi cile des états à bien identifi er. Cependant, il est plus aisé de planifi er la journée ou même la semaine de travail à venir, et toutes les tâches de travail et activités qui y sont reliées et que l’on pourrait exécuter dans un excès de confi ance, ce dernier menant à son tour à l’esprit non centré sur la tâche à accomplir. De là, il n’y a qu’un pas menant à des erreurs critiques et ce, dans un environnement potentiel d’énergie dangereuse.

Considérons notre point de départ de chaque matin : la salle de bains ou la douche… (bien de gens se blessent dans ces pièces). Puis, passons ensuite à notre moyen de se rendre à notre lieu de travail : que ce soit avec notre automobile (circulation intense) ou tout autre moyen de transport – notre esprit vaque très souvent aux tâches que nous accomplirons un peu plus tard – plutôt qu’à la conduite de notre véhicule ou comment nous nous déplaçons dans l’autobus ou le métro. Une fois au travail, nous établissons les tâches à accomplir. Arrêtez-vous à celles qui nécessitent moins de concentration de votre part, celles que l’on peut presque accomplir en mode « autopilote ». Lorsque vous accomplirez ces tâches, se demander : « qu’est-ce qui pourrait mal tourner? » parmi celles-ci, « qu’est-ce qui pourrait avoir des conséquences déplaisantes? », vous permettra de vous rappeler des risques potentiels de chacune de ces tâches de travail. Puis, dans le cadre du retour à la maison et de ce que vous ferez en soirée, réfl échir aussi à la potentialité de la fatigue. Il est facile de penser que celle-ci ne nous dérangera pas vraiment. Si la fatigue pouvait devenir un risque potentiel, réfl échissez à combien la situation pourrait s’avérer catastrophique ou si l’enjeu vaut le risque d’une blessure. Cette façon de penser pourra vous aider à combattre l’excès de confi ance.

Malgré cela, la nature humaine étant ce qu’elle est, même si l’on identifi e bien où et à quel moment nous serons dans l’un de ces états, il est possible – et même probable – que notre esprit s’éloignera à l’occasion. C’est pour cette raison qu’il est important de réfl échir en termes de sécurité, aux habitudes que nous devons améliorer, afi n que ce que nous faisons de façon plus ou moins automatique, puisse être fait de façon sécuritaire. En ce sens, il peut s’agir tout aussi bien de s’assurer d’avoir les trois points-contacts, lors d’une montée ou d’une descente dans une échelle – que de s’assurer que nos yeux se déplacent, avant nos mains, nos pieds, notre corps entier ou même notre voiture. (Voir tableau #2, ci-dessous)

 

Tableau #2

 

La technique de réduction des erreurs dite « chercher chez les autres, les modèles à risque qui augmentent le risque de blessures » (voir tableau #3, ci-après), vous aidera également à prévoir les erreurs que les autres pourraient faire. Mais cela vous aidera aussi à mieux combattre votre propre excès de confi ance, ce dernier menant à l’esprit non centré sur la tâche. Pourquoi? Lorsque nous devenons conscients des dangers ou des risques de dangers, ceci nous fait réfl échir à notre propre sécurité de même que des risques potentiels liés à ce que nous sommes en train de faire.

Pourtant, ne pas réagir jusqu’à ce qu’une personne fasse une erreur critique, peut ne pas vous donner suffi samment de temps pour vous éloigner ou vous éloigner de la ligne de tir. Mais, si vous réalisez que des personnes autour de vous sont dans un état de précipitation, ou si vous reconnaissez des indices de frustration, de fatigue ou d’excès de confi ance, alors, vous pourrez prévoir à quel moment elles seront le plus susceptible de faire une erreur critique, ce qui vous donnera à vous, plus de temps pour réagir ou vous éloigner d’une zone de danger.

À titre d’exemple, si vous voyez quelqu’un qui, tout en conduisant, consulte une carte routière, vous pouvez présumer que la personne pourrait changer brusquement de direction, déraper vers l’accotement ou la ligne médiane, ralentir, ne pas utiliser ses clignotants ou encore s’arrêter et demander les directions à suivre.

 

Tableau #3

 

Maintenant supposons que vous voyez une personne conduire tout en mangeant un sandwich ou un hamburger. Vous pourriez prévoir que la personne pourrait manquer sa bouchée, prendre une bouchée trop grosse et en échapper sur elle. Si, ensuite, la personne tente d’enlever ce qui est tombé sur elle, tout en conduisant, vous pourriez également prévoir qu’à ce moment, la personne ne regardera plus la route ou ne pensera pas à conduire prudemment, et qu’à ce moment-là, la voiture pourrait facilement se déplacer sur la ligne ou encore déraper vers l’accotement.

En dernier lieu, imaginez que vous voyez quelqu’un qui zigzague et semble éprouver de la diffi culté à demeurer dans sa voie sur l’autoroute. Quels sont les états et les erreurs critiques que vous pourriez prévoir? On peut presque être assuré qu’il s’agit d’une personne fatiguée et dans un contexte d’excès de confi ance, ce qui pourrait résulter en un déplacement dans la zone de la ligne de tir, si la personne somnole pendant quelques secondes consécutives.

Par conséquent, en étant attentif à ce qui nous entoure, ceci nous permettra de prévoir des erreurs critiques que les gens autour de nous pourraient faire.

Pourtant, l’erreur faite par l’autre personne et résultant en une blessure pour nous, ne représente pas la tranche la plus importante du total des blessures. Ce sont les erreurs critiques que NOUS faisons qui représentent le pourcentage le plus important des blessures. (Voir diagramme ci-dessous)

Tableau #4

 

Où ferez-vous l’erreur à 1 000 $?

Mais rien n’est perdu! Même si nous continuons à faire des erreurs (la perfection n’est pas de ce monde!), c’est encore possible de prévoir « quand » et « où » nous sommes le plus susceptibles de faire des erreurs critiques et de les prévenir. Il nous faut simplement « réfl échir par anticipation ». Demandons-nous : « Si je pouvais gagner 1 000 $ en prédisant ma prochaine diffi culté, en termes d’erreur critique et d’énergie dangereuse – quand et où elle se produira? Qu’est-ce que je serai le plus vraisemblablement en train de faire? »

Bien sûr, personne ne nous remettra 1 000 $ même si vous donnez la bonne réponse! Mais, certaines erreurs critiques ou une combinaison d’erreurs critiques – telle s’endormir au volant de sa voiture et peut-être y perdre la vie – vaut beaucoup plus que 1 000 $ de toute façon, pour la majorité d’entre nous. Prendre quelques secondes de réfl exion fera donc toute la différence…

Ironiquement, le plus nous réfl échirons au « quand » et au « où » nous ferons l’erreur à 1 000 $, les probabilités que cette erreur se produise effectivement et que nous gagnions effectivement 1 000 $ – diminuent proportionnellement à notre réfl exion.

Finalement, tout est plutôt simple! Mais il FAUT y réfl échir et y réfl échir davantage à l’avance : demandez-vous : où et quand (dans ma vie), ma précipitation, ma frustration, ma fatigue et/ou mon excès de confi ance sera confronté à un environnement d’énergie dangereuse potentielle?

 

Larry Wilson agit à titre de consultant en matière de sécurité axée sur le comportement humain depuis plus de 25 ans. Il a travaillé avec au-delà de 500 compagnies au Canada, aux États-Unis, au Mexique, en Amérique du Sud, le long de la côté du Pacifi que et en Europe. Il est aussi l’auteur de « SafeStart », un programme de formation de pointe sur la sensibilisation à la sécurité qui est présentement utilisé par plus de 2 millions de personnes, et ce, dans plus de 50 pays à travers le monde.

Les erreurs critiques : comment les prévoir

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